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Sirop de griotte
1 avril 2006

L'âme seule d'H. Vilard

221362500x.01._scthumbzzz_Petit coup de coeur de lecture parce que Capri c'est pas fini :
A lire même si vous n'aviez pas vingt ans dans les années 60 ...
Les mots sont hachés, les phrases courtes et débitées en copeaux, lorsque René l'orphelin raconte sa terrible enfance berrichonne. Comme si cette histoire n'était qu'une douleur impossible à délayer tant elle est dure, sèche et sans tendresse à l'image du coriace pays qui le recueille. De l'orphelinat de Saint-Vincent-de-Paul à Paris à Saint-Amand-Montrond, au coeur du Berry noir, le petit poulbot laissé par sa mère aux supposés bon soins de l'Instruction publique passe de mains en mains, de fermes isolées en pavillons de cocos, de familles en institutions, de meules en gourbis insalubres, dans ce qu'il appelle « des familles décousues, des guenilles d'accueil ». Le petit René traverse les années 50 et 60 sans câlins, sans tendresse et sans nom. « J'sais pas ce qu'on en fera de çui-ci, mais je veux bien l'essayer. Il a l'air d'une âme seule » dit la mère Dallau en essuyant son menton barbu. Le ch'ti parisien, que Nénesse le fermier berrichon appelle « citoyen », apprend à se battre, garder les cochons, à couper la tête des canards et à vendre des escargots pour échanger ses sabots tout neufs contre des souliers pour aller à l'école, au milieu des chèvres et des fées qui dansent la nuit derrière les bouchures, des loups de la forêt de Tronçais, des martes, des fades et des rebouteux sorciers qui hantent les campagnes berrichonnes. Au milieu de gens « qu'ont point les moyens d'ête généreux ! » mais qui cachaient des petits enfants à étoiles jaunes dans leur grenier pendant la dernière guerre, il se fait tout petit et rêve d'une vraie famille, avec un papa, une maman et lui. Ce zombie sans prénom traverse les époques, les familles et les églises, sans que « le soleil ne se couche sur sa colère ». Khrouchtchev haï ou adulé selon les maisons, Jules Renard, George Sand, le Grand Meaulnes, le prince de Monaco qui épouse une actrice, De Gaulle, la guerre d'Algérie, Kennedy assassiné, l'enterrement de Piaf, et la dame de ses rêves : la Dame Blanche, sa maman à qui il prête les traits de son idole : Dalida. Il attend le jourrr et la nuit, il attend toujourrrs son rrretourrr. Il aurait pu être un bon garçon de café, il a le vertige sur les échafaudages de l'école du Bâtiment, déteste le stage d'horticulture et se libère par le mensonge et les histoires pour se retrouver à quinze ans en « paysan paumé dans le crachin de Paname ». Paris, Pigalle « c'était la ville de son premier amour ». Là « Biquet », « chou farci », « p'tit pauvre », découvre la vie, les adultes, la musique, Ravel, le jazz, Polanareff, Christophe, Nicoletta, Adamo, Castel, Régine, Barclay et ...Jean Moulin. Il veut surtout découvrir comment aimer. Il surprend d'abord le sexe sans amour, mais avec des filles, une fille : Dani ; ou avec des garçons, un garçon : Chris. Et il comprend ... l'amour sans sexe, gratuit, le vrai, le seul, celui d'un père descendu du ciel dans les beaux quartiers. L'écriture devient plus tendre alors. Les phrases s'allongent sous la douceur et le respect de son bienfaiteur, sous les yeux de Malraux, d'Aragon ou de la Callas, sous les ors du Lutétia, des Champs-Elysées ou de Saint-Tropez, sous les airs de Mozart ou d'Adamo du Synfonia et avant les premières notes de « Capri, c'est fini », quand René Villard le bâtard devient Hervé Vilard : « Hervé. Ca me va, on enlèvera un l à mon nom, comme ça il sera plus grand sur l'affiche ». C'est beau, franc, triste, émouvant, cru, gai, touchant, édifiant, instructif, plaisant, désarmant .... Et on se plaît à fredonner de nouveau cette petite chanson : « mi-mi-mi-sol-mi-mi où tu m’as dit : je t'aime » en pensant au petit René-RV qui vient de nous traverser le coeur. L'âme seule, d'Hervé Vilard, éditions Fayard, 2006, 19 Euros.
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