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Sirop de griotte
13 avril 2006

Y fô lire Les mots pour le dire

souvenirs d'Algérie "Premier hiver parisien. Soleil sans éclat. Arbres sans feuilles. Et, comme une rengaine, le cheminement entêtant qui me mène à l'impasse. C'est dans le vague de la brume, le vide du froid, le terne de la pluie, le fade des nuages, que je viens revivre là l'éblouissement de la chaleur, le grouillement des rues blanches, le bouillonnement de l'enfance, l'éclatement de l'adolescence. Tout un peuple de fantômes m'accompagne. Dans la ruelle défoncée les souvenirs s'engouffrent à ma suite, précis, vivants, palpitants, dérisoires. Ils cahotent jusqu'au divan puis passent à la parade, comme un défilé de chars de carnaval. (...) L'Algérie française vivait son agonie. C'était l'époque où, ainsi que le disent les spécialistes, la Guerre d'Algérie était militairement gagnée par les Français. Les meilleurs de nos soldats, ceux qui venaient de recevoir une raclée en Indochine, avaient organisé la grande traque dans les pierrailles des djebels : les gosses du contingent, la jeunesse de Saint-Malo, de Douai, de Roanne et d'ailleurs (ils en seront tous marqués au fer rouge comme les bêtes d'un troupeau maudit), avec leurs casques, leurs bottes, leurs armes automatiques et leurs engins blindés, avaient reçu l'ordre de zigouiller à qui mieux mieux les fellagha maigres et fanatiques. Les enfants de France tombaient dans les corps à corps en vomissant leurs tripes et leur patriotisme mais les autres tombaient encore plus. Finalement, le combat cessa faute de combattants. Les fellagha qui avaient pu en réchapper s'étaient réfugiés dans les villes où ils étaient devenus des héros et où, comme dans les contes de fées, leurs paroles coulaient de leurs lèvres, tels des diamants et des roses, dans les casbahs et les quartiers populaires. Le combat avait donc cessé. Pour le ministre de la Guerre à Paris il n'y avait plus de guerre en Algérie. Plus de canons, plus de balles, plus de mitrailleuses, plus de grenades, plus de napalm à envoyer là-bas. Pour le grand livre de compte de l'économie française c'était le calme plat car les baignoires, les électrodes, les paires de claques, les coups de poing dans la gueule, les coups de pied dans le ventre et dans les couilles, les cigarettes à éteindre sur les bouts de seins et les queues, ça se trouvait sur place : broutilles. La torture ça ne se comptait pas, donc ça ne comptait pas, ça n'existait pas. La torture ce n'était qu'une simple question d'imagination, cen n'était pas sérieux. Et pourtant c'était quand même l'agonie honteuse de l'Algérie française, dans la dégradation de tout, dans l'abjection dans le sang de la guerre civile dont les grosses flaques dégoulinaient des trottoirs sur les chaussées en suivant le chemin géométrique des joints de ciment de la civilisation." Marie Cardinale Les mots pour le dire Pour lire la version complète : 2070393887.08.mzzzzzzz1Un de ces romans qui agrippent, fascinent, ne vous laissent de repos que lorsque vous posez les yeux sur les derniers mots. Il s'ouvre sur une sombre impasse pavée que la narratrice arpente trois fois par semaine, au rythme de l'analyse qu'elle décide d'entreprendre. Sa détresse est telle que les médecins et leurs prescriptions ne peuvent, n'ont jamais rien pu pour elle. La solution est ailleurs, dans les méandres de son passé qu'elle se décide à forer, au risque d'endurer au début des souffrances plus dévastatrices, semble-t-il, que le mal. Alors, peu à peu filtre la lumière. Celle que la conscience met à jour, réduisant l'angoisse, anémiant la névrose, acculant le silence aux mots. Ces Mots pour le dire sont précisément l'un des plus grands succès de cet ex-professeur de philosophie, journaliste à L'Express et à Elle. Il s'agit d'un cas vécu, l'expérience de la souffrance aux confins de la folie, animée cependant d'une vitalité, d'une force de caractère et d'une clairvoyance exemplaires. Une fille accuse sa mère de ne pas l'avoir aimée. Roman autobiographique et récit de cure. Sept années de crises, de découragements, de lueurs et de découvertes. Au bout du chemin, la renaissance finale... Un témoignage qui, comme le déclare Fernande Schulmann, "joue et gagne sur les deux tableaux de la littérature et du document". Sincère et tonique.
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